La 58e Conférence de Munich sur la sécurité (MSC) s’est tenue du 18 au 20 février 2022, à l’hôtel Bayerischer, son cadre habituel à Munich. Afin de privilégier une participation de haut niveau, la conférence s’est déroulée selon un format réduit : moins d’invités, moins de représentants des médias et des délégations moins nombreuses se sont rendues à Munich. La conférence annuelle est l’une des principales plates-formes pour traiter de politique de sécurité internationale. Cette année, les discussions ont essentiellement porté sur le terrorisme, la violence extrémiste et le crime transfrontalier, et notamment sur les stratégies de sécurité basées sur la dimension humaine pour lutter contre ces phénomènes à risques.
Le 19 février, le secrétariat du Forum Tana a organisé un événement en marge de la conférence pour discuter du thème de 2022, à savoir « Réfléchir à de nouvelles réponses : Terrorisme, violence extrémiste et crime transfrontalier en Afrique ». Cet événement parallèle annuel dans le cadre du CSM est l’occasion pour le Forum d’apporter une perspective africaine aux discussions mondiales et de donner le ton aux délibérations du Forum.
La propagation de la violence extrémiste, des réseaux terroristes et du crime transfrontalier, ainsi que l’augmentation significative des actes de terrorisme dans le monde, menacent directement le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Les conséquences collectives du terrorisme en Afrique sont graves et ont des effets dévastateurs sur toutes les formes d’activité humaine. En Afrique, le terrorisme est donc devenu une menace pour le bien-être des populations, l’économie et les domaines sociopolitiques, causant des ravages et freinant le développement. Les solutions proposées pour redéfinir le terrorisme et y faire face doivent être aussi bien politiques que militaires. Elles doivent également comporter un élément de sécurité humaine axé sur le bien-être des personnes. En organisant cet événement, le Forum de haut niveau de Tana sur la sécurité en Afrique cherche à encourager une discussion ouverte et critique sur le terrorisme, la violence extrémiste et le crime transfrontalier et vise à créer un espace où les idées peuvent être échangées et discutées dans un cadre de dialogue.
Principaux points à retenir :
- Dans une déclaration liminaire, on a souligné que le Forum de haut niveau de Tana sur la sécurité en Afrique s’était forgé une réputation en matière d’échanges francs et sincères sur certaines des questions les plus préoccupantes auxquelles est confronté le continent africain. Les participants ont salué l’effort de collaboration entre le Forum de Tana et la Conférence de Munich sur la sécurité pour mener les discussions qui ont eu lieu en marge de l’événement.
- On a noté le fait que l’Afrique avait énormément souffert de la présence croissante de groupes terroristes, de la violence extrémiste et du crime transfrontalier. Il est donc nécessaire de mieux comprendre les nouveaux foyers de tension liés à ces problèmes, et il est impératif de faire une évaluation conjointe de leurs causes.
- Les participants s’accordent à dire que la lutte contre le terrorisme, la violence extrémiste et le crime trans-organisé nécessite de comprendre et de définir la nature et la genèse des organisations terroristes et leur programme, les griefs dont elles se servent pour bâtir leur base idéologique, et de dresser une carte de leurs réseaux.
- Les participants ont également souligné l’importance du contexte et la nécessité d’éviter la tentation d’utiliser un modèle mondial pour résoudre des problèmes locaux. Il est toutefois nécessaire de partager les expériences aux niveaux national, sous-régional et mondial afin de mener un effort conjoint dans la lutte contre le terrorisme, la violence extrémiste et le crime transfrontalier.
- Alors que certains participants se sont plutôt focalisés sur les outils concrets que les groupes terroristes mettent en œuvre pour renforcer leur emprise sur les populations et les territoires, d’autres ont mis en lumière les causes profondes de leur domination. Parmi celles-ci, citons la contestation des États-nations en raison de leurs réponses inadéquates aux problèmes structurels.
- La plupart des intervenants s’accordent à dire que les griefs sous-jacents sont les principaux facteurs de radicalisation. Toutefois, d’autres participants ont laissé entendre qu’il ne suffit pas de considérer le sous-développement comme le moteur de la radicalisation.
- Le lien entre le terrorisme, la violence extrémiste et le crime organisé transfrontalier a figuré en bonne place dans le débat. Bien que des opinions différentes aient été exprimées, les participants se sont accordés à dire que, dans une certaine mesure, le terrorisme était devenu un commerce florissant. Par conséquent, la réduction du financement du terrorisme doit être l’une des stratégies essentielles de toute lutte contre le terrorisme.
- Les participants ont également convenu que le développement devait également être un facteur primordial dans la lutte contre le terrorisme. Dans ce contexte, le développement va au-delà de la mise en place d’infrastructures et vise à aider les personnes à satisfaire leurs besoins en matière de bien-être tout au long de leur vie.
- Bien que les opinions divergent, les participants s’accordent à dire que la poursuite des activités terroristes entrave les progrès enregistrés en matière de développement. Toutefois, l’éradication des réseaux terroristes, du moins à court terme, a également un prix pour le développement, car les gens perdent leurs moyens de subsistance. Il est donc impératif de trouver des solutions politiques pratiques qui fonctionnent plutôt que de recourir entièrement à une solution militariste pour lutter contre le terrorisme.
- Alors que certains participants se sont ralliés à l’idée de s’attaquer aux causes profondes, d’autres ont proposé une solution qui s’appuie fortement sur la mise en place et le renforcement des institutions et des réglementations, y compris l’amélioration des mesures d’investigation financière « suivre les opérations monétaires à la trace » pour cibler le financement du terrorisme.
- Le débat sur le rôle des organisations continentales (par exemple l’Union africaine, etc.) a été largement divisé sur leurs rôles respectifs dans la lutte contre le terrorisme, la violence extrémiste et le crime transfrontalier. Certains participants ne savaient pas comment les organisations régionales pouvaient assumer davantage de responsabilités alors que leurs États membres sont profondément divisés, aussi bien au niveau interne qu’entre eux. Certains participants ont affirmé que la paralysie institutionnelle au sein de l’Union africaine et des communautés économiques régionales (CER) ne découlait pas d’un manque de cadres politiques pour lutter contre le terrorisme, mais de l’incapacité à mettre en œuvre les mécanismes et cadres existants pour répondre aux défis du terrorisme. Certains ont affirmé avec force que les institutions telles que l’UA et les CER sont aussi efficaces que leurs membres le souhaitent.
- En ce qui concerne ce qui précède, certains participants sont favorables à la mise en œuvre de réponses politiques aux niveaux national et sous-régional pour garantir l’efficacité. D’autres encore ont affirmé qu’il n’était pas nécessaire de réinventer la roue. Nous devons plutôt renforcer le dispositif existant au niveau de nos institutions.
- Les CER semblent en proie à de multiples intérêts, histoires et luttes de pouvoir qui vont à l’encontre de leur existence même. Il est donc important d’identifier et de traiter ces controverses pour combattre les dangers que représentent le terrorisme, la violence extrémiste et le crime transfrontalier.
- L’élaboration de solutions africaines pour lutter contre ces fléaux nécessite une stratégie politique qui repose sur les mesures prises aux niveaux national et sous-régional et sur un effort concerté visant à promouvoir la sécurité humaine.
- Les discussions ci-dessus démontrent l’importance du Forum de Tana, qui encourage les discussions franches et sincères sur les questions pertinentes qui touchent non seulement l’Afrique, mais aussi les enjeux mondiaux.